Le Grenier de Clio : Mythologie romaine.

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La littérature latine est celle d'un peuple dont les qualités sont la raison et le bon sens, plus que la curiosité de l'esprit, que la souplesse de l'intelligence ou la richesse de l'imagination ; d'un peuple de paysans, âpre au gain, volontiers processif, et, partant, très admirateur surtout de la science juridique ; d'un peuple, enfin, qui dès le principe, a été obligé de lutter, les armes à la main, contre ses voisins. Aussi ne s'est-il intéressé aux arts que tardivement, sous une influence étrangère. D'autre part, les genres où il a le mieux réussi sont les genres d'utilité pratique : le droit, la satire, l'histoire, enfin l'éloquence.

On comprend, dès lors, que la littérature latine primitive se réduise à un balbutiement : récits historiques, plus ou moins altérés par vanité nationale et qui ont presque tous disparu, chants religieux (chant des Arvales), Satura (mélange de chant, musique et danse), Atellanes. Le vers qu'ils employaient était le saturnien, dont le rythme est mal connu.

Ecrivaine

Mais, au III siècle av. notre ère, les Romains, maîtres de l'Italie centrale, entrent en contact avec la littérature et la civilisation grecques dans ces régions du sud de la péninsule appelées «  Grande-Grèce »  tant elles étaient imprégnées de culture et d'esprit helléniques. C'est alors qu'on voit apparaître des œuvres littéraires dignes de ce nom. Aussi bien les premiers écrivains sont-ils un Grec, Livius, fait prisonnier à Tarente, un Campanien, Naevius, et deux poètes de la même région, Ennius et Pacuvius, originaires, l'un de Rudies, en Calabre, pays mi-grec mi-osque, l'autre de Brindes, cité aux trois quarts grecque.
Ils se contentent d'abord de traduire des œuvres grecques, l'Odyssée (Livius Andronicus), ou des tragédies (Livius Andronicus, Nmvius, Ennius, Pacuvius, plus tard Accius), en combinant souvent plusieurs pièces sur le même sujet. Puis ils s'enhardissent : Nœvius chante la première guerre punique, à laquelle il avait pris part ; Ennius, en un style énergique et coloré, écrit dix-huit livres d'Annales, depuis les origines de Rome jusqu'à son temps, et substitue l'hexamètre au saturnien. A côté des tragédies à sujet grec, on représente des tragédies « prétextes », à sujet romain, qui n'eurent d'ailleurs jamais beaucoup de succès.

Bientôt apparaît la comédie, qui convenait beaucoup mieux au goût des Romains et qui est bien plus originale. Les pièces de Plaute sont grecques par le sujet, mais éminemment latines par leur langue populaire, hardie, pleine de verve. Térence a plus d'art que Plaute. Il est plus châtié, plus élégant, plus froid aussi. C'est le poète de la bonne compagnie. Cœcilius, dont les œuvres sont perdues, est intermédiaire entre les deux, mais plus près de Térence, à ce qu'il semble. Un peu après l'époque de Térence, Lucilius crée la satire, genre éminemment romain.
La prose, elle aussi, se dégage peu à peu. De la première guerre punique à la dictature de Sylla, nombre d'auteurs, parmi lesquels Caton l'Ancien, publient des Annales généralement composées sans critique, souvent écrites en grec. On retrouve également, parmi les grands orateurs, Caton, adversaire de l'influence grecque. Les Gracques, Antoine et Crassus subirent davantage l'influence de la rhétorique grecque et parlèrent avec plus d'art.
De tous ces écrivains abstraction faite pour Plaute et Térence, il ne nous reste que des fragments ; ils suffisent pour nous permettre de reconnaître les qualités réelles des prosateurs et des poètes.

A partir de 80 av. notre ère l'originalité de la littérature latine commence à se dégager. C'est « l'âge de Cicéron », qui ne dure guère qu'une quarantaine d'années. Etant donnés les événements politiques, c'est la prose qui domine avec Cicéron, César et Salluste. Le premier a pu, comme orateur, être comparé à Démosthène ; il est admirable, entre autres, par ses narrations et par les développements où il élève les questions particulières en les élargissant. Il a mis à la portée de ses compatriotes les questions de rhétorique et celles de philosophie. Enfin sa correspondance a la variété et l'intérêt de celle de Voltaire. César apporte de son côté à la prose des qualités nouvelles de précision et d'élégance discrète ; il compose habilement l'apologie, qui devait servir son ambition. Salluste donne le modèle d'une concision qui est le plus souvent heureuse et profonde. Ajoutons le nom du polygraphe Varron, qui résuma en ses écrits les connaissances du temps.

Caton l'ancien

En poésie, la comédie disparaît comme genre littéraire. La tragédie, par contre, est très prospère ; mais les fragments qui nous en restent sont insuffisants pour nous permettre de la juger. Lee deux grands poètes de cette période, Lucrèce et Catulle, ont composé, le premier une sorte d'épopée philosophique, l'autre des élégies. Lucrèce est de beaucoup le plus puissant des poètes latins. Interprète de la philosophie épicurienne, il la fait neuve par la profondeur de son émotion et la vigueur de son style. Catulle, lui, peut être rapproché de Musset pour sa sincérité, et de Ronsard pour ses préoccupations d'érudition. Dans la troisième période de l'histoire de la littérature latine, au contraire, le e siècle d'Auguste », la poésie passe au premier plan : à côté de Virgile, d'Horace, de Tibulle, de Properce et d'Ovide, un seul grand prosateur : Tite-Live. C'est que la littérature devient comme un luxe et une parure, qu'Auguste offre aux intelligences qui n'avaient plus la vie publique pour s'occuper. D'où la protection intéressée accordée par lui et par Mécène aux écrivains, qui lui témoignent leur reconnaissance en chantant son œuvre et en s'associant à ses efforts pour ressusciter les vertus antiques. Après avoir introduit à Rome la poésie pastorale avec ses Bucoliques, Virgile sert les desseins de l'empereur en chantant les beautés de la vie champêtre, dans les Géorgiques, et les traditions nationales dans l'Enéide. Par ses Odes, Horace a voulu donner à sa patrie la grande poésie lyrique qui lui manquait. Dans ses Satires et ses Epîtres, il se fait l'apôtre d'une philosophie moyenne et pratique, adaptée à un temps où l'action individuelle se trouve bien plus limitée que par le passé. Tibulle, Properce et Ovide sont des élégiaques, le premier plus sincère, le second plus érudit, le dernier plus spirituel, Quant au grand prosateur de l'époque, Tite-Live, dans son Histoire romaine, il se montre écrivain clair et vivant ; l'élévation morale de ses idées communique à son œuvre une dignité incontestée. Après cette période de perfection, les caractères de la littérature latine se modifient sous l'influence des écoles de déclamation et des lectures publiques, dont l'action ne trouve aucun obstacle, car les anciennes familles, qui avaient conservé le culte du passé, ont disparu presque complètement dans les guerres civiles. Mais la décadence ne se déroula pas suivant un mouvement uniforme et continu.

Virgile

Tout d'abord (quatrième période), le despotisme des empereurs : Tibère, Caligula, Néron, tourne les esprits vers la philosophie du stoïcisme, qui place le bonheur dans l'accomplissement du devoir et la pratique de la vertu. C'est elle qui inspire, entre autres, les plus grands écrivains du temps : le satirique Perse, sincère et obscur ; Lucain, l'auteur de la Pharsale, épopée historique ; Sénèque le philosophe, moraliste pénétrant, écrivain de talent, que l'abus de l'esprit conduit à la préciosité ; enfin, si l'on en juge par sa mort, Pétrone, dont le Satyricon est la curieuse peinture des plus mauvaises moeurs de son époque. La tragédie est représentée par Sénèque, mais ne s'adresse plus qu'aux lettrés.
Sous les Flaviens et les premiers Antonins (69-117), exception faite pour Domitien, le gouvernement est sage et modéré. Les lettres renaissent. A côté de l'historien Tacite, «  le plus grand peintre de l'antiquité », suivant le mot de Racine, se groupent de nombreux écrivains, habiles à manier leur langue : Quintilien, qui marque une tentative de retour au classicisme ; Pline l'Ancien, dont l'Histoire naturelle est comme un résumé des connaissances du temps ; Pline le Jeune, auteur de lettres artificielles mais agréables et intéressantes, et, en poésie, Juvénal, satirique moins sincère dans son indignation que puissant par son imagination et son style ; Stace, un des écrivains les plus applaudis dans les lectures publiques ; Martial, enfin, auteur d'Épigrammes pleines de naturel, de verve et de finesse (cinquième période).
Avec Adrien commence la véritable décadence (sixième période). La littérature latine est éclipsée par un retour de popularité de la littérature grecque. D'autre part, pour plaire à des lecteurs cultivés, les auteurs se complaisent dans les curiosités érudites, les raffinements de forme, les subtilités sophistiques. On écrit encore, mais on ne pense plus guère. Rares sont les œuvres originales, comme celles d'Apulée, incorrect mais plein de feu et d'imagination, ou de Suétone, qui a laissé des Biographies des Césars, œuvre sans prétention, recueil de petits faits et d'anecdotes qui nous renseignent admirablement sur un personnage ou un règne. Les poètes Claudien, Rutilius Numatianus et Ausone, l'orateur Symmaque ne savent composer que des pastiches brillants et vides.