Le Grenier de Clio : Anges et démons.

Marques

La marque ou sceau du diable (stigmata ou sigillum diaboli) fut vite acceptée par les inquisiteurs comme preuve suffisante de sorcellerie à châtier par le bûcher.

Les formes de la marque du diable peuvent varier d'une région à l'autre, elle consiste souvent en un bleu, un grain de beauté noir ou rouge sur divers endroits du corps, souvent située sur les doigts de la main. Cette marque était celle que le Diable infligeait aux signataires du pacte... Le théologien calviniste Lambert Daneau propagea cette idée avec son livre Les Sorciers (Genève, 1564), traduit en anglais (Londres, 1595).

Une singerie du baptême

Cette marque, écrit De Lancre 17, en 1613, est une singerie du baptême chrétien et des stigmates que le Seigneur accorde aux saints et aux martyrs de la foi : « Satan est le vrai singe de Dieu, néanmoins son imitation est imparfaite : car Dieu baille aux siens les mêmes plaies que firent les cinq clous en ses membres précieux et veut qu'elles soient visibles... au lieu que Satan les donne en cachette, et les ayant même empreintes, les ensevelit et cache en telle partie et endroit du corps, qu'il faudrait mettre ce même corps en pièces pour les trouver : voire pour éluder la justice et ses officiers, il les imprime souvent, ou en des parties si sales qu'on a horreur de les y aller chercher : comme dans le fondement de l'homme ou en la nature de la femme ; ou bien comme il est extrême et dénaturé, au lieu le plus noble et le plus précieux qui soit en toute la personne ; où il semble impossible de l'imprimer, comme les yeux, ou dans la bouche. » (Inconstance des mauvais anges, p. 185).

Comme ces marques pouvaient se trouver n'importe où, on rasait complètement les suspects. La recherche était parfois menée par les témoins à charge. On inspecta même des cadavres (par ex. la vieille Alice Samuel, âgée de 80 ans, après sa pendaison, en 1593).

Sorcière
Examen d'une sorcière à Salem par T. MATTESON

Il ne faisait pas bon présenter la moindre irrégularité de peau, mais le médecin d'Henry IV, Jacques Fontaine, écrivit un traité en 1611, Des marques des sorciers et de la réelle possession que le Diable prend sur le corps des hommes, assurant que « ceux qui disent qu'il est difficile de distinguer les marques du Diable de défauts naturels, d'un furoncle ou d'un impétigo, montrent clairement qu'ils ne sont pas de bons médecins. » L'insensibilité d'un endroit de la peau (plaque analgésique) à une piqûre était un signe d'appartenance diabolique. On poussa la cruauté jusqu'à rechercher systématiquement, à l'alêne ou au poinçon, ces endroits mal localisés, sous prétexte que le Diable les rendait invisibles. Les juges prirent plus qu'il ne fallait un plaisir sadique à piquer les sorcières aux fesses ou au voisinage de la vulve ; les hommes (les prêtres notamment) furent inspectés au voisinage de l'anus et des testicules. Ce fut le cas pour Grandier à Loudun, comme auparavant pour le Père Gaufridi. Le 5 mars 1611, les juges chargés d'examiner Gaufridi « le trouvèrent en façon et qualité honteuse, dont ils eurent honte eux-mêmes, et détournèrent leurs faces ; ... puis le sondèrent avec des aiguilles, les yeux bandés. » Les médecins, en dépit de ses dénégations, le trouvèrent criblé de marques : « Il fut trouvé marqué par les médecins et chirurgiens, et autres personnes, voire par lui-même, en plus de trente endroits de son corps, et principalement sur les reins, auquel lieu, selon le dire du Démon qui l'avait auparavant accusé, il avait une marque de luxure, si énorme et profonde en égard au lieu, qu'on y plantait une aiguille jusqu'à trois doigts de travers, sans apercevoir aucun sentiment ni aucune humeur que la piqûre rendît. » Peter Ostermann, professeur de droit à l'Université de Cologne, par son Commentarius juridicus (Cologne, 1629), donna pleine valeur à ce signe auquel seuls Binfeld (1589) et De Rio (1599) s'étaient faiblement opposés.

Sources : Le dictionnaire du diable et de la démonologie